Lo...

[Paradoxe]

Le clapotis de l'eau, ses reflets, l'humidité... tout tendait à la faire sombrer dans un sommeil paisible, le sommeil d'une sieste au printemps.

Sa jambe la gratte, ou peut être touche-t-on son membre engourdi par le contact poivré de l'herbe. Elle reprend doucement conscience, les rayons filtrant au travers des branches du chêne sous lequel elle se trouve pour première sensation. Progressivement, son corps tout entier sort de sa torpeur, les cris d'un jeune moineau... puis le couinement de pièces de métal crasseuses s'entrechoquant. Une sentinelle passe, un brin d'herbe au coin de la bouche. Elle chantone quelque mélodie, un air qui lui semble familier. Son cou est douloureux, sa sieste a du durer. Elle tourne sa maigre tête vers la droite et apperçoit la présence rassurante de la petite ville voisine. Vieille-Bique plante des bulbes dans la terre riche qui borde sa cabane...

Une griffure... sa jambe est bien la proie d'une créature quelque peu entreprenante. Elle se redresse sur ses coudes couverts de motifs herbeux. Un scarabé s'attelle à ronger sa jambe de ses mandibules massives. Elle esquisse un sourire et tend les bras vers l'animal. L'insecte se cambre, l'air menaçant. Elle le saisit par les cotés et le souleve, ses multiples pattes battent l'air comme pour aggriper une hypothétique prise. Après l'avoir fait pivoter elle le pause délicatement sur sa tunique et caresse sa carapace luisante de ses mains délicates. L'animal semble instantanément se calmer.

Tout en laissant sa main se promener sur les jointures des élitres rosatres de l'animal carapaçoné, une rivière de souvenirs remontent de son enfance. Ici même, sous ces branches épaisses elle avait passé des jours à pratiquer son art. Elle avait désiré la puissance, elle était devennue une mage respectée et aujourd'hui... qu'était-elle ?

La grande guerre, les armes, la magie... tant d'ingéniosité et d'une intelligence par trop mécanique avaient été dépensées dans cette oeuvre. Une oeuvre à laquelle elle avait participé mais pourtant elle n'éprouvait aucun plaisir à se remémorer batailles et tueries.

Aujourd'hui ? elle était assise dans l'herbe, le pont était toujours là, les petits hameaux hiberniens aussi mais elle n'aspirait plus à la puissance. La grandeur qui l'avait tant fait rêver, elle et tant d'autre n'était-elle pas une chimère ? Une de ces drogues qui prétend combler le vide de sa vie. Ce vide qui la ronge. Tendant une brindille à son nouveau compagnon elle se lève.

Comme souvent depuis qu'elle a renoncé à son art, elle marche lentement vers la ville, le petit insecte dans les bras. La taverne n'apportera pas de réponses mais permettra au moins d'oublier les questions...