Adoubement...

[Batouka]

Une ombre semblait s’étendre sur les murailles couvertes de plantes, dont la verdure cachait la pierre rongée par le temps.
Le chevalier oscillait sur sa monture tout en s’approchant de la porte, il s’arrêta un instant, observant la herse métallique levé. Les sourcils fronçaient, son regard semblait refléter une certaine vieillesse qui malgré la jeunesse, s’annonçait tels les cieux grisâtres soucieux des prochaines pluies.
Il fit avancer de quelques pas son cheval blanc dont le poil tirait aussi au gris fidèlement avec la chevelure du maître.
Sous l’arcade s’avancèrent une petite troupe d’hommes d’armes, sur leur visage se sentait aussi cette tristesse, sorte de mélancolie qui accompagnait tout un peuple depuis quelque temps. Après quelques mots d’Oréthorniens il continua, toujours grave, mais depuis sa plus tendre enfance il avait fait ceci. Continué, sa vie était une longue route, dont il restait encore beaucoup à connaître.

Les sabots désormais sonnaient sur la pierre du pavé. Son mat, sans plaisir, cruel et froid aux oreilles. Les torches non sans surprise étaient déjà allumés, comme préparant la forteresse à l’obscurité. La monture fut prise, mené on ne sait ou, laissant sa docilité manié par des mains expertes. Encore une fois l’homme observa les lieux, endroit autrefois beau, aujourd’hui durcie, comme l’acier d’une lame.

- Batouka ? Demanda une voix qui lui parvint d’une des nombreuses portes.
- Lex, répondit le chevalier aux yeux gris, c’est une surprise pour moi de te voir ici dit il en détournant son visage, Ainsi même l’innocence est bafoué en ces temps.
- L’innocence, voyons, soupira au travers de ses dents la jeune femme, elle n’a jamais existé, en tout cas pas sur ce monde. Après un silence elle reprit, Les nouvelles de ton adoubement me parvinrent il y a quelques lunes, ainsi Batouka fils de personne devient un des nobles chevaliers de notre temps. Le seigneur semble vouloir remanier la noblesse qui l’entoure, trop de mauvaises choses y ont poussé.
- J’ai appris que la guerre civile venait à nos portes en effet, les fiefs à l’est du royaume se sont soulevés après les actes du Duc Magni, il aurait trahis le Roi, abandonnant lâchement ses fonctions. Sur ces mots, les yeux du chevalier s’enflammèrent, mais le calme revint ainsi que les mots. Endoctriné dans cette Rose sombre d’après les rumeurs. Ses vassaux semblent le suivre malgré la volonté de son père Hakim de qui il tient ses titres. Je viens demander au Roi ses volontés, je ne sais si le traître se retrouvera au bous d’une corde, ou recevra le pardon de notre suzerain. La bonté semble être de sa faiblesse.
- Oh mon bon Batouka, dit la jeune femme sur un large sourire mais sans convictions. Anathorne est telle la pierre, froid, silencieux, mais aussi obstiné que la roche. Son inaction est le résultat de quelques méditations, il se fait oublier laissant faire, mais sa réponse n’en sera que plus lourde et écrasante, attend toi à une lourde répression.
- Mais dis moi, que fais tu ici ? Viens tu aussi demander conseil au Roi ?
- Non, mais Séléniord mon mari à préférait me… Mettre à l’abri, son domaine et non loin des comtés en révolte, il craint pour ma vie, ici je suis en sécurité. Ne me demandes pas ou est mon homme, il vient de partir en mission pour l’est. Mais je te laisse mon ami, vas. Que dieu veilles sur toi.

Sans un mot l’homme salua de la tète, avant de reprendre le pas.

Le pavé laissait place à une cour boueuse, ou l’activité se laissait emporter. On ferrait les chevaux, forgeait l’acier, le tout dans le bruit, le froid et la sueur. On ne prenait pas garde à lui, simple pion au milieu d’un vaste échiquier dont ce lieu n’était qu’une des nombreuses cases. Mais sur tout les visages à l’unisson, se lisait cette inquiétude qu’on tente d’oublier par la besogne, mais hélas, ne trompant personne.

Subitement, comme un pic se levait le donjon. Haute tour dominant tout le château, point fort ou la vie se concentrait.
Pas de garde ce jour la devant la porte couverte d’acier, il rentra alors capuchon baissait. Les salles se succédaient les unes après les autres, laissant place de temps à autres à un escalier, l’ascension était longue et fatigante mais finit par s’arrêter.
Face à la dernière porte il ralentit le pas, et dans son cœur une faible lueur se fit malgré la noirceur des lieux. Car derrière les épais murs s’entendait un faible son cher à son cœur, celui d’un Luth.

Un page accompagnait d’un soldat lui ouvrit la porte, mais dans la salle qui s’ouvrait à lui personne ne fit attention, tous tourné dans la même direction.
C’était alors une autre atmosphère, les murs étaient tapissés de fines soieries. Les colonnes de marbres s’élevaient fusant vers les cieux pour offrir de belles voûtes ciselaient.
Sans mal il se fraya parmi les dizaines et dizaines de personnes réunies emplissant la salle à son comble. Mais encore une fois à sa surprise, telles lieux n’étaient peuplé de belles gens aux habits riches et aux bijoux d’or fin mais de soldats aux armures d’acier et aux hauberts argentée. Et encore plus étonné alors, il regarda le musicien qui encore maintenant continuait à jouer du Luth, ce n’était autre que Anathorne son Roi et suzerain. A sa vue, celui-ci s’arrêta, posant l’objet non loin du siège sur lequel il était assis.

- Tiens, Batouka. Plaisir est mien de te voir en ces lieux.
- Mon seigneur, prononça solennellement le récent chevalier, c’est un honneur de vous voir en vos salles. J’ai répondu à votre appel et me voici ici devant vous.
- Oui oui, il est vrais, je t’ais fais demandé. Je ne passerai pas par quatre chemins et irais droit au but. Tu connais la situation dans l’est je présume ? Bien, j’ai décidé de… Épurer notre royaume, tu convoites depuis longtemps une terre. Ne fais pas cette tête, je le sais aussi bien que toi. Hé bien Batouka, toi qui as sauvé ma vie, j’ai décidé que ton adoubement au titre de chevalier n’était pas la récompense qu’il te fallait. Tu n’ais pas fais pour ce rang, tu es bien trop… trop fier.
- Mon seigneur, veillez me croire si je vous dis que je ne fus jamais autant honoré par ce titre. Je me plierais à votre volonté, mais perde ce rang serait une honte à mon cœur, moi qui ne vit que pour le royaume. Dites, je ferais.
- Hum, oui je dirai. Quant à ma volonté elle est autre, tu iras dans l’est, et tu auras la tache de récupérer les fiefs qui commencent à se lever contre mon autorité.
- Mais mon seigneur, dis un homme qui se trouvait non loin du siège royal, ceci n’est pas le devoir d’un simple gueux sans titres ni terres, enverrais vous vos paysans accomplir votre volonté ?
- Tout en accordant un regard noir au vassal à sa droite il dit, J’enverrais qui je désire, serait-ce un serf. Mais qui parle ici d’envoyer un paysan ou un sans terre ? Sur ces paroles il se leva alors tout en tendant un doigt à Batouka. Je n’enverrais ni un chevalier, ni un paysan, mais bien un noble. Un comte. La valeur ne coule pas du sang ! Mais des actes ! Batouka d’Elveth, prendra les terres du traître et en deviendra maître.

Alors, prit d’un vive coup au cœur, Batouka plia genoux sous le regard interrogé de l’assemblée mais le seigneur Anathorne leva une main tout en faisant signe de négation de la tète.

- Relèves toi Seigneur Batouka, tu n’as pas de temps à perde et point de cérémonie pour ton anoblissement tant que perdura cet état. Vas maintenant, prends contact avec mon scribe Falon, montes ta propre Maison et gonfle la de ton futur escarcelle. Que dieu te garde.
- Je ne reviendrai s’écria Batouka, qu’avec l’honneur et la fierté, viendra le jour ou vos espoirs en ma personne vous profiteront mon seigneur. Que dieu et sa lumière veillent sur vos jours mon Roi.

Après avoir salué à l’Oréthorniène, il se retira d’un pas rapide, le visage haut et fier. Ainsi commençait une nouvelle page de cette vie. Fils d’inconnus, élevé par des Midgariens, paysan, menuisier, puis écuyer. Le voila maintenant jeune seigneur.